ROSIE TUCKER – Utopia Now!

rosie tucker couverture

« Utopia Now! », quatrième album de l’artiste de Los Angeles, propose 13 titres flirtants avec le rock indé et la pop punk pour un album auto-produit très réussi.

« Lightbulb » propose une intro marquante, avec un performance vocale remarquable, qu’on aura le plaisir de retrouver et d’apprécier tout au long du disque. Ici, les parties synthés l’accompagnent dans une ambiance ramenant aux années 80. J’ai l’impression d’entendre le meilleur de Mitski.
C’est calme, avec des sons électroniques parfois étranges qui illustrent les propos de Rosie. Iel semble remettre en question notre société à partir de multiples aspects, en commençant par la création même d’un morceau, et surtout les étapes qui suivent pour que cela termine dans nos oreilles  : « How many songwriters/Does it take to screw a tune?/To get the record done on time?/To maximize demand? ».
Dans l’introspection, Rosie Tucker paraît angoissée à l’idée de sortir cet album, et fait un lien entre la consommation des ampoules et celle de la musique.
Le ton est donné, et si le stylé adopté dans cette première piste n’est pas un style que vous appréciez, ne bougez pas, et ne partez pas avant d’avoir écouté les morceaux suivants, qui changent de registre !

Les premières phrases chantées dans « All My Exes Live In Vortexes » partent sur les mêmes bases : « J’espère que personne n’a eu à pisser dans une bouteille au travail pour me procurer ce que j’ai commandé sur Internet »; mais les parties instrumentales nous offrent désormais le meilleur du pop punk et de l’indie rock, genres qui seront majoritairement exploités dans « Utopia Now! ».
Si on met en lien cette deuxième piste, et la suivante « Gil Scott Albatross », un mélange astucieux entre Beach Bunny et The Beths me vient en tête.
Les phrases répétitives « Everything all at once » dans le premier morceau cité, et « What you give to me I give right back » dans le second, me renvoient quant à eux aux superpouvoirs de groupes comme Lipstick Homicide, chez qui la faculté à composer des morceaux catchy as fuck avec des breaks ingénieux semble beaucoup trop naturelle pour le commun des mortels. 

Après un passage folk avec « Maylene », dans laquelle on retrouvera les mêmes vibes que dans « Obscura » et « Utopia Now! » un peu plus loin dans le disque,  « Big Fish/No Fun » propose une track bien emo comme on aime, qu’on aurait carrément pu retrouver dans le dernier album de awakebutstillinbed.
« White Savior Myth » et ses 54 secondes ajoutent des propos aussi directs que le titre, qui parle de lui même. Malgré le temps très limité, les mélodies n’en sont pas moins présentes. 

Il est intéressant de noter que j’ai le plaisir de retrouver dans cet album tous les éléments essentiels à la création de compositions réussies et marquantes qui me font accrocher systématiquement à un album : Des mélodies généreuses et omniprésentes, une application et une attention similaire pour les textes comme pour les parties instrumentales, et une voix bluffante. Ajoutez à cela une production parfaite, qui rend honneur aux compositions, et me voilà avec un gros coup de cœur. 

Un côté intimiste et encore plus poussé est dévoilé avec « Me Minus One Atom ».
On ressent beaucoup le côté auto-produit à l’écoute. Ce morceau m’envoute totalement, de par la sensibilité qui se dégage de son texte mais aussi grâce aux arrangements parfois étranges qui me transportent totalement. Rosie dévoile ici tout son talent, stylo en main :  » While mutable boulders cut trails cross the desert/Me minus one atom wants you like forever » (Tandis que des rochers muets tracent des sentiers à travers le désert/Moi petit atome te veut pour toujours).
Je trouve assez fort que Rosie Tucker arrive à nous faire sentir aussi minuscule qu’iel le temps d’un morceau : « Cause I know you’ll be with me when I die alone/If what I am changes minute to minute/Me minus one atom wants you like I’m permanent » (Parce que je sais que tu seras avec moi quand je mourrai seul/Si ce que je suis change de minute en minute/Moi petit atome te veut comme si j’étais permanent.)

Avec « Utopia Now! », Rosie Tucker mêle le politique à l’intime avec une écriture saisissante et une musique accrocheuse. Son talent est exprimé ici de manière forte à travers chaque titre, et cet album semble avoir rempli sa mission, du moins avec moi : je ne vais pas le jeter à la poubelle après les premières écoutes. Il est même bien parti pour avoir une place assurée dans la liste des albums qui m’auront fortement marqué cette année.

— Arno