Lament // TOUCHÉ AMORE

touché amore couverture

LABEL // EPITAPH

« From peaks of blue
Come heroine

With several suns you light the way
When each day begins

And I’m just a risk
Atop of the moon
When I swore I’d seen everything
I saw you »

C’est avec ces phrases que tout commence, et comme annoncé depuis plusieurs semaines dans les interviews, la positivité montre bien le bout de son nez, sans aucune retenue.
Les faiblesses qui caractérisaient Jeremy Bolm avant d’entrer dans une relation stable énormément bénéfique pour lui, tombent une à une, et voilà une démonstration qui est faite :
« Les chansons optimistes et remplies d’amour peuvent être encore plus poignantes que le reste ».
L’écart est vaste entre l’époque de « To Write Content » et ses paroles évoquant la difficulté d’évoquer autre chose que les peines et les épisodes dépressifs.

« Does this mean that the words won’t come? Does this mean that I’m at my end? »
Jeremy bolm est désormais passé au-dessus de certaines inquiétudes, et j’interprète ce changement comme une renaissance.
Une musique sincère, voilà ce qui ne changera probablement jamais chez Touché Amoré.

Par la suite, les morceaux puisent dans ce que le groupe proposait dans « stage four » avec des guitares planantes et une batterie un peu moins percutante que dans To The Beat Of A Dead Horse, qui joue désormais tout dans son efficacité.
D’autres points forts viennent quant à eux nous surprendre, et nous amènent là où on n’aurait jamais pensé atterrir (A Broadcast ; A Forecast ou encore Feign).
Les parties instrumentales prennent un peu plus de place, mais le chant de Jeremy bolm est toujours aussi incisif.

J’ai quand même pris un petit peu plus de temps à apprécier ce nouvel album, si je dois faire la comparaison avec ses prédécesseurs. Peut-être que la diversité qu’il propose a été un peu trop surprenante pour moi.
« Lament » par exemple, qui a donc donné son nom à ce cinquième long projet musical ne m’a vraiment pas emballé aux premières écoutes : Les lignes de chants me paraissaient déjà trop entendues.
Puis, ce ressentiment s’est échappé aussi vite qu’il est apparu. 

L’enchaînement Exit Row/Savoring se fait dans la plus grande des discrétions, et l’urgence qui en découle me renvoie aux passages les plus culminants de « Is Survived By ».

La touche que « Ross Robinson » apporte à Touché Amoré a selon moi été bénéfique, mais encore une fois, pas dans l’immédiateté.
J’avoue avoir été surpris lors des effets micros entendus sur « Reminders », le deuxième single : j’avais l’impression qu’ils sortaient de nulle part, et qu’ils étaient un peu inutiles.
Encore aujourd’hui, je pense qu’ils auraient largement pu s’en passer…
Mais d’autres petites touches me rendent sceptiques sur le sujet, comme certains échos précédemment entendus, qui arrivent à ajouter une ambiance particulière et qui se mêlent parfaitement à l’ambiance véhiculée.
Le shure SM58 utilisé à l’époque par Jeremy Bolm aussi bien en studio que pendant les concerts a bel et bien été abandonné  pour changer assez radicalement d’état d’esprit.

Cela dit, l’album reste une grande et bonne surprise.
Le dernier titre cité nous propose par exemple un refrain pop punk qui ne pouvait être plus fédérateur, fortement inspiré de Conor Oberst de Bright Eyes dans la façon d’amener un point de vue politique, chose que Jeremy Bolm réservait plutôt habituellement  à son autre projet, Hesitation Wounds.
Julien baker apparaît une nouvelle fois aux chœurs, histoire de sublimer la chose.

« A Forecast » commence avec un quelques notes de piano isolées, composées par le batteur Elliot Babin, que l’on retrouve de façon solitaire pour cloturer « Lament » laissant résonner cette fois-ci fûts et cymbales.
Cette lettre ouverte, revient de manière condensée sur la vie de Jeremy bolm depuis 2016 et le décès de sa mère. L’intimité partagée, dans ce qui pourrait être qualifié ici de silence est particulièrement touchante.
L’atmosphère ne change pas mais le ton monte lors de la dernière partie de la générosité que nous offre « Lament » avec ces paroles hurlées, rappelant une chose essentielle « It’s ok not to be ok » : « I’m still out in the rain, I could use a little shelter. I’m still out in the rain, Now and then. »

Probablement bien à l’écart d’une stratégie commerciale bien ridicule, cet album a été vendu par les cinq californiens comme leur meilleur à ce jour.
Entrer dans l’univers de « Lament », c’est finalement comme retourner dans une maison reconnaissable et chaleureuse, mais dans laquelle les meubles ont changé de place. Les petites modifications intérieures nous font redécouvrir les différents lieux de vie, tout en gardant ce côté réconfortant.

— Arno