Rencontre avec THE BETHS

couverture the beths

LABELS : Carpark //


Nous avons le plaisir de partager avec vous notre interview avec Elizabeth Stokes, guitariste et chanteuse de « The Beths », groupe pop et indie-rock, avec certaines racines punk.
Ce groupe néo-zélandais avait déjà fait sensation en 2018 avec « Future Me Hates Me », un premier album tout simplement bluffant et rempli de tubes aux mélodies instrumentales et vocales complètement folles.
Nos questions ont été rédigé après avoir reçu un mail nous rappelant la sortie de leur nouvel album « Jump Rope Gazers », et après avoir écouté trois morceaux qui étaient dévoilés en amont.
Voici l’occasion d’en apprendre un peu plus sur ces morceaux et leurs univers.

Avec les premières chansons qui avaient été mises en ligne, on pouvait déjà imaginé que « Jump Rope Gazers » serait rempli d’émotions et qu’il formerait un album « arc en ciel » à travers les moments de doutes mais aussi dans les lueurs d’espoir que proposaient les chansons. Si je te demandais de qualifier « Jump Rope Gazers » par une couleur, laquelle choisirais tu, et pourquoi ?

C’est une question difficile dès le départ !  Je suis envieux de mes amis synesthésiques, qui peuvent voir des couleurs ou ressentir des textures quand ils entendent de la musique ou des mots. Je n’arrive pas à ressentir la même chose, les couleurs n’ont pas vraiment de connotations intégrées pour moi.
Donc je vais juste choisir… Violet ? un violet chaleureux , comme un coucher de soleil.

Comme si il y avait de la beauté, mais de courte durée, et que vous saviez à l’avance que ce sera bientôt sombre. OOf, c’est déprimant ! haha

J’admets maintenant que j’attendais cette interview pour parler avec vous de l’artwork choisi pour ce nouvel album, pouvez vous me dire ce qu’il représente réellement ?

Notre amie Philippa Emery a fait l’artwork, elle est vraiment talentueuse. J’ai toujours aimé son travail, alors quand elle a accepté de s’occuper de cet aspect de Jump Rope Gazers je lui ai envoyé une version très « précoce » de l’album (Beaucoup de démos).
Elle a écouté et a choisi quelques thèmes qui se démarquaient pour elle, et m’a montré ses dessins qu’elle avait fait aux crayons de ces deux figurines qui étaient à la fois liées ensembles et séparées en même temps.
C’est une sorte de thème récurrent sur l’album, les relations entre les gens : la communication, l’amour et la distance.
Quand j’ai vu le concept pour la première fois, j’ai adoré. Je me sentais comme si j’étais comprise.
A partir de là, elle a décidé qu’elle voulait travailler en faisant de la sculpture 3D, alors elle a créé les deux figurines de papiers mâchés et les « tranches » de résines acryliques.
L’objet qui en résulte semble très étrange haha.

« Dying to believe » évoque la difficulté de s’affirmer dans certains échanges relationnels, et d’aller jusqu’à se retrouver soi-même dans des relations toxiques et de fausses amitiés. Avec cette chanson, la chose est finalement avouée à vous-même, et le message est finalement passé. A quel point la musique vous aide dans la vie de tous les jours ? Est-ce que la musique vous pousse à réaliser des choses dont vous vous sentiez complètement incapables auparavant ?

J’ai définitivement eu beaucoup de changements durant les dernières années, quelques relations qui se sont terminées, certaines qui se sont compliquées et d’autres assouplies.
Je pense qu’écrire m’aide certainement à traiter les choses et revenir plus tard sur ces pensées et sentiments m’aide à me comprendre moi-même.
Ce que vous ressentez à tous moments n’est pas nécessairement et réellement ce qui se passe, et je pense qu’être en mesure de travailler avec ces émotions dans la musique donne l’impression de les ramasser et de les examiner.
Et puis, en quelques sortes, jouer avec eux comme de la pâte à modeler les façonnent en quelque chose qui a du sens.

Finalement, est ce que les chansons écrites dans cet album servent de « notes à vous-mêmes », et trouvez vous leur utilité dans la vie quotidienne ?

L’écriture s’étend sur une longue période, certaines chansons ont des fragments assez anciens, de trois ou quatre ans. Donc les chansons ressemblent un peu à des albums photos pour moi.
Quand je les entends, j’arrive à me souvenir de quand j’ai écris certaines paroles et certaines sections et ça me ramène à ces périodes. Et maintenant je me souviens également de quand nous avons enregistré certaines parties des morceaux, ce qui est une autre page de l’album photo.
Normalement les pages suivantes seraient remplies de souvenirs de ces chansons jouées en tournée, et de gens venant de l’autre bout du monde les chanter en chœurs, mais cela devra attendre un peu.

J’ai lu que tu écrivais, à l’époque du premier album, quand tu étais très contrariée ou à l’inversement totalement heureuse. Est-ce que le processus d’écriture a changé pour la création de celui-ci ? comme peut être retour en arrière, pour traiter les choses moins instinctivement ?

J’ai ressenti la même chose pour cet album. J’ai tendance à écrire pour traiter mes émotions, ou parfois pour les suralimenter et voir où cela me mène.
C’est, de toutes façons, le processus pour les paroles.
Le processus de construction et les arrangements des chansons sont un peu plus amusants et moins… déprimant. Haha
Pour nous, c’est là que l’art vit, en construisant des chansons qui représentent les paroles et les mélodies, et les font se sentir comme à la maison.

Les relations humaines sont des thèmes récurrents dans vos chansons. Votre inspiration vient-elle avant tout de moments personnels vécus et des différentes observations que vous en faites, après réflexion ? Est-il difficile de rompre avec la réalité pour créer de la musique chez The Beths ?

J’écris à la fois d’un point de vue personnel et aussi du point de vue des personnes qui me sont proches, mais toujours à la première personne.
Je pense que cela vient d’un réel désir de comprendre et de sympathiser avec les gens que j’aime et d’explorer des émotions que je ne comprends peut-être pas mais que j’aimerais apprendre à connaître. J’ai toujours aimé les « Story songs » qui sont écrites sur un personnage ou une histoire, réelle ou fictive, (comme «Elevator Operator» de Courtney Barnett, ou «Water Underground» d’Anthonie Tonnon) mais pour une raison quelconque je n’ai jamais écrit une chanson que j’aime comme celles-ci. C’est quelque chose que j’aimerais apprendre à faire.

Si vous deviez nous faire part d’ un seul changement dans la manière dont cet album a été réalisé, qui est important et qui change la donne par rapport à vos anciennes chansons, qu’est-ce que ce serait ?

Il y a eu quelques changements entre cet album et le dernier.
La première est que nous avons renversé les murs dans l’atelier de Jonathan, ainsi nous avons pu jouer confortablement ensemble tous les quatre, en même temps, ce qui a rendu le processus d’arrangement et d’enregistrement beaucoup plus amusant et collaboratif.
L’autre est que nous avons traité cet album plus comme une expérience « d’écoute complète », où il est normal d’avoir des moments de calme et/ou de réflexion.
Le premier album est rempli de morceaux rapides, du début à la fin, que nous aimons et dont nous sommes tous fiers! Nous nous sommes donc sentis un peu plus à l’aise d’explorer différentes choses avec « Jump Roze Gazers ». Mais nous sommes toujours un groupe de rock. Deux guitares, une basse et une batterie, ce n’est pas si différent.

« I’m not getting excited » est la chanson à laquelle j’ai pensé pour la première fois lorsque je parlais de doutes dans la première question. J’ai lu que les bonnes choses qui vous arrivent sont vécues avec appréhension. Après avoir partagé la scène avec Weezer, The Breeders, the Pixies, et  après avoir été mentionné à plusieurs reprises par la presse, notamment Rolling Stone, comment expliquez-vous cette méfiance à l’égard des bonnes choses qui vous arrivent?

Et bien la tournée avec Weezer vient d’être annulée, donc je suppose que j’avais raison! Hahaha 😢
Je me sens maintenant mieux que je ne l’étais avec ce « syndrome de l’imposteur ».
Maintenant il apparaît juste un peu, quand quelque chose de bien arrive, je suis nerveuse à l’idée de me laisser emballer parce que j’imagine que les choses vont mal tourner ou que les gens décideront que nous ne sommes pas légitimes.
Je pense qu’une petite part de ce syndrome est finalement une bonne chose, pour que nos têtes ne deviennent pas trop grosses.
Mais nous essayons, chacun d’entre nous, de nous rappeler et  d’apprécier où nous sommes, de célébrer et d’ être reconnaissant pour les bonnes choses qui se produisent pour nous.
C’est un point dans le fait d’être dans un groupe; Ce n’est pas seulement moi seul avec mes angoisses.

Je n’ai jamais vu le terme « punk » rattaché à votre nom. Malgré l’inévitable côté pop et indie-rock pour vous définir, il me semble que le punk fait aussi partie de vos influences, en arrière-plan certainement… Je pense par exemple à « Uptown Girl » de votre premier album. Quels sont vos groupes punks préférés ?

J’ai personnellement grandi en écoutant beaucoup de pop punk et d’emo, et plus récemment de power pop. Je suppose le punk est plus ouvert politiquement dans son message, c’est ce que j’associe. Je pense que c’est chouette, j’aurais espéré être meilleur pour transmettre mes croyances dans ma musique, je n’arrive pas à les écrire d’une manière que j’aime, je vais cependant continuer d’essayer. Bref, Jonathan est un fan de punk plus traditionnel, il adore The Clash et on aime tous Buzzcocks. J’adore toujours Fall Out Boy et Green Day bien sûr.

Peux-tu nous donner quelques détails sur la scène en Nouvelle Zélande ? Les groupes du moment, vos affinités…

Nous aimons tous la musique néo-zélandaise, je pense qu’elle est vraiment super puissante.
La Nouvelle-Zélande est assez petite et isolée, et la scène musicale est soudée et solidaire.
En ce moment je peux recommander Chelsea Jade (pop), Wax Chattels (post-punk), Mousez, Hans Pucket (Indie Rock), Church & AP (Hip-Hop), Fable (R&b), Earth Tongue (Psych-Fuzz), Dick Move (punk), Tiny Ruins, Reb Fountain (folk).
Il y a vraiment beaucoup de bons artistes. Nous sommes vraiment très fiers de faire partie de la scène Néo-Zélandaise.

— Propos recueillis par Arno

LIENS VERS THE BETHS

 

 

With the first songs put online, we can notice that JUMP ROZE GAZERS is filled with a good palette of emotions, and forms as a whole a “rainbow” album crossing over the songs moments of doubts as sides revealing some glimmers of hope. If I asked you to qualify the album by a color, what would be your choice and why?

This is a difficult one to start with! I am envious of friends of mine who have synesthesia and can see colour or feel textures when they hear music or words. I don’t have it, and colours don’t really have inbuilt connotations for me. So I will just choose… purple? But like… warm purple, like a sunset. Like there is beauty there, but it is short lived and you know it will be dark soon. Oof that’s depressing haha.

I admit that I was looking forward to this interview, to ask you about the artwork chosen for your new effort. Can you tell me exactly what that represents?

Our friend Philippa Emery made the artwork, she is very talented. I had always liked her work, so when she said yes to making the artwork I sent her a very early version of the album (lots of demos).
She listened and picked out a few themes that stood out to her, and she showed me these drawings she’d done in crayon and pencil of these two figures who were both bound together and held separate at the same time. That is kind of a recurring theme on the album, relationships between people: communication and love and distance. When I first saw the concept, I loved it. I felt like I was understood. From there she decided she wanted to work in a 3D sculpture medium, so she created the two figures out of paper maché and the ‘slices’ out of acrylic resin. The resulting object looks very strange haha.

“Dying To Believe” evokes the difficulty of asserting oneself in certain relational exchanges, to the point of finding oneself in toxic relationships and false friendships. With this song, things are confessed to yourself, and the message is finally passed. How much does music help you in everyday life? Did it push you to do things that you felt at the time completely incapable of?

I definitely have had a lot of changes happen over the last few years, I have had some relationships end or bend or stretch. I think writing it down definitely helps me to process things, and looking back at those thoughts and feelings later helps me to understand myself.
What you are feeling at any one time isn’t necessarily truly what is happening, and I think being able to then work with those emotions in music feels like picking those feelings up and examining them. And then, kind of playing with them like play doh, shaping them into something that makes sense.

Finally, do the songs written in this new album serve as “notes to yourself”, and do you later find their usefulness in everyday life?

The writing spans a long time, some of the songs have fragments that are quite old, three or four years. So the songs feel a bit like photo albums to me. When I hear them I can remember when I wrote certain lyrics or certain sections and it brings me back to that time. And now also I remember when we recorded certain sections, which is another page in the photo album. Normally the next few pages in the album would be filled with memories of playing those songs on tour and hearing people from the other side of the world sing along, but that will have to wait a while.

I read that you were writing at the time of the first album, when you were very upset or super happy. Is there anything to change for the creation of this one ? as can be a step back, to treat things less instinctively?

I felt similarly for this album. I tend to write to process my emotions, or sometimes to overfeed them and see where that takes me. That’s the process for the lyrics anyway. The process for the construction and arrangements of the songs feel a bit more fun and less… depressing haha. For us that is where the craft lives, in building a song that represents the lyrics and melodies and makes them feel at home.

Human relationships are recurring themes in your songs. Does your inspiration come first of all from personal moments lived and the different observations you make of them, after reflection? Is it hard to break away from reality to create music at The Beths?

I write both from a personal perspective and also a perspective of people who are close to me, but always in first person. I think that comes from a real want to understand and empathise with the people I love, and explore emotions that I maybe don’t understand but want to. I have always loved ‘story songs’ that are written about a character or a story, real or fiction, (like “Elevator Operator” by Courtney Barnett, or “Water Underground” by Anthonie Tonnon) but for whatever reason I’ve never written a song that I like that is like that. It is something I’d like to learn how to do though.

If you were to notify a single change, in the way this album was made, which was important and game-changing compared to your older songs, what would it be?

There were a couple of changes between this album and the last. One is that we knocked down the walls in Jonathan’s studio, and so the four of us could all comfortably play together at the same time, which made the process of arranging and recording a lot more fun and collaborative. The other is that we were treating that album like more of a whole listening experience, where it is OK to have some moments of calm or reflection. The first album is all fast bangers top to bottom, which we like and we are very happy with! So we felt a bit more comfortable exploring a few different textures with this one. But I mean, we’re still a rock band. Two guitars, bass and drums, it’s not that different.

“I’m Not Getting Excited” is the song I first thought about when I was talking about doubts. I’ve read that the good things that happen to you are lived with apprehension. After sharing the stage with Weezer, The Breeders, the Pixies, and being mentioned several times by the press, including Rolling Stone, how do you explain this mistrust of the good things that happen to you?

Well the tour with Weezer has just been cancelled, so I guess I was right! Hahaha 😢
I’m actually a lot better than I used to be with this « imposter syndrome« . Now it just shows up a little bit where when something good happens I am nervous about letting myself get excited about it because I am so nervous that something will go wrong, or people will decide we aren’t worthy. I think a little of it is good actually, so that our heads don’t get too big.
But we try to remind each other to enjoy where we are and to celebrate and be grateful for the good things that happen. That is the good thing about being in a group; It’s not just me alone with my anxieties.

I have never seen the term “punk” attached to your name. Despite the inevitable pop and indie rock side to define you, it seems to me that punk is also part of your influences, in the background certainly … ? I am thinking, for example, of the track “Uptown Girl” on your first album. What are your favourite punk bands?

I personally grew up listening to a lot of pop punk and emo, and more recently power pop. I suppose punk is more overtly political in it’s messaging, that’s what I associate with it. I think that is great, I wish I was better at conveying my beliefs in my music, I can’t seem to write them in a way I like, I will keep trying though. Anyway, Jonathan is a fan of more traditional punk, he loves The Clash and we all love Buzzcocks. I still love Fall Out Boy and Green Day of course.

Can you give us some details about the music scene in New Zealand? Bands of the moment, your affinities …?

We all love New Zealand music, I think it’s so, so strong.
New Zealand is pretty small and quite isolated, and the music scene is pretty tight knit and supportive.
Right now I can recommend Chelsea Jade (pop), Wax Chattels (post-punk), Mousey, Hans Pucket (indie rock), Church & AP (hip-hop), Fable (R&B), Earth Tongue (psych/fuzz), Dick Move (punk), Tiny Ruins, Reb Fountain (folk). Those are just off the tip of my tongue though, there are so, so many great artists. We’re really proud to be a part of New Zealand’s music scene.

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